LA MISE EN PLACE DES PREMIERS REFLEXES ORAUX
Les compétences alimentaires se développent bien avant la naissance avec la mise en place des premiers réflexes oraux:
Le réflexe de Hooker : la main du fœtus touche les lèvres provoquant une ouverture de la bouche et la sortie de la langue; ces premières stimulations orales sont essentielles pour l'alimentation future.
Le réflexe de succion : la succion est présente dès 28 semaines d'aménorrhée (vers la fin du 6ème mois de grossesse). On parle ici de la succion non nutritive c'est-à-dire de la succion qui n'entraine pas de déglutition (acte d'avaler).
Le réflexe de déglutition : ce réflexe se met progressivement en place in utero avec la déglutition du liquide amniotique.
La coordination entre la succion et la déglutition commence à être efficiente dès 32-33 semaines d'aménorrhée (vers 8 mois de grossesse) et la coordination avec la respiration vers 37 semaines d'aménorrhée (au début du 9ème mois de grossesse).
LA PLACE DES SENS
Les sens se développent très tôt avec dans l'ordre : le toucher, l'odorat, le goût, l'audition et enfin, la vue.
La perception de la position et des mouvements des différentes parties du corps (appelée proprioception) et les sensations en lien avec l'équilibre se développement également précocement.
La naissance prématurée va impacter, à des degrés divers, le développement de ces compétences.
Jusqu'à la fin du 4ème mois, l’alimentation est exclusivement lactée. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un allaitement exclusif au sein jusqu’à 6 mois du fait de la composition du lait maternel et de son adaptation au développement du bébé. Si bébé est nourri au biberon, il faudra proposer une préparation pour nourrisson ("lait 1er âge").
En France, les recommandations sont d'introduire une alimentation solide au plus tard à la fin du 6ème mois.
QUELLES QUANTITES PROPOSER ?
L’estomac du bébé est petit : on prend souvent comme référence la taille d’une cerise à la naissance et celle d’un œuf à 1 mois de vie de l’enfant .
Source : Haute Autorité de Santé, 2024
Les besoins alimentaires d’un point de vue quantitatif évoluent ainsi avec la croissance de l’enfant.
Au sein comme au biberon, bébé est allaité à la demande même si on indique souvent que, lorsque l'alimentation est proposée au biberon, le temps d’espacement des biberons peut varier de 2h30 à 4h à la naissance. Les quantités augmentent en fonction du poids de l’enfant.
Pour déterminer les quantités, on peut utiliser la règle d’Appert :
Poids de bébé en grammes/10 + 250 ml
Mais chaque bébé est différent et il est important d’apprendre à repérer les signaux de faim et de satiété :
Exemples de signes indiquant que le bébé à faim
Bébé porte ses mains à la bouche
Mouvements vifs des bras et des jambes
S’agite, tourne la tête, pleure, se jette en arrière (il est préférable de ne pas attendre que bébé pleure et s'agite pour répondre à son besoin)
Exemples de signes indiquant que le bébé est rassasié
Il s'endort pendant le biberon et semble détendu
Le rythme de tétée ralentit
ET SI BEBE A UN REFLUX ?
Dans les premiers mois de vie, un reflux gastro-œsophagien (RGO) est souvent présent. Le reflux gastro-œsophagien est la remontée du contenu gastrique dans l'œsophage. Il est physiologique chez le nourrisson c'est-à-dire qu'il est naturellement présent. Des régurgitations sans efforts sont présentes chez 2 nourrissons sur 3 jusqu'à l'âge de 4 mois!
Il n'est donc pas toujours facile de distinguer le RGO normal du RGO pathologique.
Les signes qui doivent alerter
Des vomissements en jet fréquents
Des vomissements de sang
Une perte de poids
Un refus de s’alimenter ou des difficultés en lien avec l’alimentation
Une croissance perturbée.
L’apparition de régurgitations après 6 mois ou une persistance de ces régurgitations après 12 mois évoque un RGO pathologique. Dans tous les cas, seul un avis médical pourra indiquer si un traitement est nécessaire.
ET SUR LE PLAN ORAL ET MOTEUR ?
LA SUCCION
La succion réflexe (ou suckling) est la première compétence développée par le bébé. Cette succion réflexe est mature à la naissance chez un bébé né à terme sous réserve d'avoir été exercée in utero avec le réflexe de Hooker (voir la rubrique In utero).
La succion implique deux mouvements principaux : la pression (mouvements de mâchoire de haut en bas) et l'aspiration (mouvements de l'avant vers l'arrière) .
On distingue la succion non nutritive de la succion nutritive :
la succion non nutritive est présente in utero dès 28 SA et n'entraîne pas de déglutition (sauf déglutition de salive); la succion non nutritive disparaît naturellement vers 4-5 mois, sauf si une tétine est régulièrement proposée ;
la succion nutritive implique une coordination succion-déglutition-respiration efficiente. Elle est caractérisée par un rythme deux fois plus lent que lors de la succion non nutritive (une succion par seconde). Les premières minutes sont régulières avec peu de pauses puis une alternance succion/pause apparaît. La durée des pauses s’allonge au fur et à mesure de la tétée. L’efficacité de la succion nutritive varie d’un nourrisson à l’autre.
LES AUTRES REFLEXES
D’autres réflexes sont également présents à la naissance :
le réflexe de fouissement : orientation vers la stimulation
le réflexe de protrusion : projection du bout de la langue vers l’avant, entre les lèvres et appui sur la lèvre inférieure
le réflexe d’automatisme de rotation de langue du côté de la stimulation, à droite ou à gauche
le réflexe de pression alternative : alternance d’une ouverture/fermeture de la mâchoire permettant de faire jaillir le lait
Mais aussi des réflexes de protection tels que :
le réflexe nauséeux : forme de haut-le-coeur lorsqu'un aliment avance trop loin sur la langue
le réflexe de toux : qui permet d'expulser des sécrétions ou un corps étranger de la trachée .
La diversification est “l’introduction d'aliments solides chez un enfant allaité ou recevant une préparation pour nourrisson” (ANSES, 2017).
QUAND COMMENCER LA DIVERSIFICATION ?
L'OMS préconise de poursuivre l’allaitement jusqu’aux 24 mois de l’enfant en parallèle de la diversification alimentaire. En France, le PNNS (Programme National Nutrition Santé) indique que la diversification peut être mise en place dès la fin du 4ème mois du bébé et ne doit pas démarrer au-delà de 6 mois.
On parle pour cette période de “double stratégie alimentaire” : coexistent en effet à la fois un maintien d’une alimentation au sein (ou au biberon) et le passage à une alimentation à la cuillère (C.Thibault, 2015).
Cette période est marquée par de nombreux changements pour l’enfant : posture, outils, introduction des solides, rythme, aspects sensoriels.
POURQUOI ENTRE 4 ET 6 MOIS ?
Pour un enfant né à terme, la diversification ne doit pas être retardée au-delà de 6 mois car le lait ne couvre plus les besoins nutritionnels.
De plus, le développement de l'enfant se poursuit avec :
des changements anatomiques qui interviennent au niveau du larynx et de la bouche laissant ainsi plus de place pour les mouvements linguaux
L'apparition des premières incisives
Un système gastro-intestinal qui devient mature à partir de 4 mois pour un enfant né à terme.
Sur le plan oral et moteur, la succion réflexe laisse progressivement place à une succion volontaire (ou “sucking”), ce qui va permettre au bébé d’exercer un contrôle moteur et, en lien avec une évolution de la posture et du tonus, d’accéder à une alimentation diversifiée et de nouvelles textures.
Les mouvements de langue qui jusque là allaient d'avant en arrière vont laisser place à des mouvements haut/bas. La fermeture des lèvres s’améliore. Mais du fait d'une succion volontaire encore immature et d'un manque d'activité labiale, cela impacte les premiers essais à la cuillère : les premières semaines, l’enfant repousse les aliments avec la langue. Ce comportement est souvent considéré, à tort, comme un rejet de l’aliment. Une proposition quotidienne de la cuillère permettra au bébé de développer ces nouvelles compétences.
Enfin, le bébé va passer progressivement en position assise ce qui va modifier ses compétences sur le plan de la déglutition.
Pour en savoir plus sur la diversifications alimentaire
LA DIVERSIFICATION MENEE PAR L'ENFANT
Certains parents font le choix de la Diversification Menée par l’Enfant (DME). Cette méthode, d’origine anglo-saxonne (le terme original est “baby-led weaning”), repose sur les principes suivants : dès 6 mois révolus, l’enfant est assis à la table familiale et se voit proposer les mêmes aliments que le reste de la famille avec toutefois une adaptation des textures. L’enfant choisit le ou les aliments qu’il souhaite manger ainsi que les quantités. Les textures évoluent avec l’âge et les capacités de mastication et de déglutition de l’enfant (Rapley, 2008).
Pour en savoir plus sur la Diversification Menée par l'Enfant (DME)
ENTRE 6 ET 10 MOIS
L'introduction de nouvelles textures permet de développer les capacités d’alimentation orale et notamment la compétence d'enchaînement de mouvements de langue sur les côtés.
C’est à cette période que la capacité de malaxage (ou munching) se met en place : il s'agit d'une forme de pré- mastication qui s'exerce, en alternance, de part et d'autre de la cavité buccale. Le bébé ouvre la bouche de façon anticipée à l’approche de la cuillère et on observe une amélioration du contrôle de la lèvre supérieure, permettant de vider le contenu de la cuillère. Cette nouvelle compétence permettra l’introduction de morceaux fondants que l’enfant vient écraser contre le palais.
Du point de vue des liquides, le bébé a développé les compétences nécessaires pour boire à la paille.
En parallèle, le bébé passe par une phase nécessaire d’exploration et de découverte des différentes textures avec les doigts et prend plaisir à porter lui-même en bouche.
ENTRE 9 ET 12 MOIS
Des mouvements de préhension-morsure sont observés. Les fruits et légumes peuvent être proposés crus en adaptant la taille des morceaux aux capacités de l’enfant.
La fenêtre d’introduction des aliments texturés ( aliments autres que les purées lisses) est située entre 8 et 10 mois afin de permettre le développement des compétences masticatoires et une meilleure acceptation des aliments.
Il est recommandé de ne pas repousser l'introduction des aliments texturés au delà de 12 mois.
Sur le plan moteur, la motricité fine s’améliore avec la possibilité pour bébé d'attraper des petits morceaux entre le pouce et l’index.
COMMENT SAVOIR QUAND L'ENFANT EST PRET A CHANGER DE TEXTURE ET NE PLUS MANGER UNIQUEMENT DES PUREES LISSES ?
L’enfant maintient sa tête et son dos droits dans la chaise
Il avale des purées lisses et épaisses sans problème
Il réalise des mouvements de mâchonnements quand il porte quelque chose dans la bouche
Il peut tenir un aliment dans sa main et le porter à sa bouche
Il est intéressé par le repas
Cette période est marquée par une plus grande autonomie globale de l’enfant avec la mise en place de la marche, le développement de compétences de préhension plus fines.
La dissociation de la succion et de la déglutition, amorcée entre 6 et 9 mois, se poursuit au cours de la deuxième année de vie. La cavité buccale s’agrandit et les mouvements de langue sont de plus en plus contrôlés.
A 1 an, les premières molaires inférieures et supérieures apparaissent puis, dans les mois suivants, les canines et secondes molaires.
Les compétences de mastication (“chewing”) sont progressivement entraînées. Mais la mise en place d’une mastication mature et fonctionnelle est le résultat d’un long apprentissage . La mastication ne sera complètement mature que vers l’âge de 6 ans. Il est donc nécessaire de continuer à adapter les textures avec, dans un premier temps, des textures fondantes puis progressivement des solides de plus en plus durs. Les quantités seront également adaptées.
Le rythme est désormais à 4 repas par jour : petit-déjeuner, déjeuner, goûter et dîner.
A partir de 12 mois, sauf si l'allaitement maternel se poursuit, le lait proposé à l’enfant est du lait de croissance ou du lait entier (environ 500 ml par jour). Le lait de croissance est à privilégier car il est enrichi en fer. Il est recommandé d’introduire une prise des liquides au verre et un abandon progressif du biberon.
L'enfant partage le repas à la table familiale.
Dans le développement global, cette période peut être marquée par une opposition de l'enfant. Cette opposition peut également impacter l'alimentation : on parle de néophobie alimentaire.
QU'EST-CE QUE LA NEOPHOBIE ALIMENTAIRE ?
La néophobie alimentaire est une opposition de l’enfant face à la présentation de nouveaux aliments.
Cette période, qui fait partie du développement normal de l’enfant, peut être plus ou moins longue et peut durer jusqu’aux 8 ans de l’enfant. Cette opposition peut également se manifester par le refus d’aliments déjà connus et habituellement consommés.
La néophobie apparaîtrait à un âge où l’enfant gagne en mobilité et autonomie sur le plan alimentaire; ce comportement aurait un effet protecteur contre les risques d’ingestion de produits toxiques ou inconnus. Dans les faits, le refus touche plus particulièrement les légumes, les fruits et la viande mais moins les aliments “plaisir”.
Le contexte social et les expériences répétées avec l’aliment sont deux facteurs majeurs à prendre en considération dans l’acceptation des aliments. Ainsi, si la diversification alimentaire s’est déroulée sans difficulté avant 24 mois, cela assure dans la majorité des cas un retour à une alimentation variée une fois cette période d’opposition passée.
Sur le reflux gastro-oesophagien